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« La crise en Nouvelle-Calédonie repose la question de la souveraineté minière, dont on disserte à l’envi en France »

En d’autres temps, le président de la République aurait pu faire le voyage de Nouvelle-Calédonie pour y défendre, au nom de la souveraineté minière, les intérêts du pays dans la filière du nickel, cruciale pour les aciers inoxydables et les batteries automobiles. Ce minerai n’a-t-il pas été « propriété » de la France depuis sa découverte en 1864, comme tout l’archipel mélanaisien colonisé dix ans plus tôt ? Le nickel n’est plus français, mais calédonien. Et l’« or vert », qui a longtemps enfiévré les esprits, a été peu évoqué, jeudi 23 mai, lors du voyage éclair d’Emmanuel Macron sur le Caillou.
Peu productive et déficitaire, paralysée par des impératifs politiques plus qu’économiques, la filière est dans une situation critique. « Sans nouvelle intervention des acteurs privés et des pouvoirs publics, la fermeture de certains sites paraît à ce jour inévitable », avertissait l’inspection générale des finances en juillet 2023. Déjà mis à contribution, l’Etat ne remettra pas au pot. Le groupe français Eramet refuse d’y perdre encore des plumes. La fermeture d’une des trois usines n’est plus taboue à Paris.
Pour relancer l’activité et sauver des milliers d’emplois, on table sur l’arrivée de repreneurs sud-coréens après les départs du brésilien Vale et des suisses Glencore et Trafigura. Certains vont jusqu’à espérer une sortie de la « malédiction du nickel ».
Le nickel calédonien ne semble plus un sujet économique et, malgré les ressources de l’archipel, seuls les Kanak continuent d’y voir un moyen d’accéder à la prospérité et d’asseoir leur émancipation. Le nickel devra faire partie de l’« accord global » souhaité par M. Macron. Mais, pour qu’il redevienne une question de souveraineté, il faudrait que la Chine – à l’affût des maillons faibles du Pacifique et déjà présente à Tonga, en Papouasie, aux îles Salomon ou aux Samoa – s’entende avec des indépendantistes pour mettre la main sur des sites miniers à la faveur d’un délitement général de la Nouvelle-Calédonie.
La crise n’en repose pas moins la question de la souveraineté minière, dont on disserte à l’envi en France. Le monde n’est pas sorti de sa dépendance au pétrole, et le voilà déjà dépendant des minerais et des métaux indispensables aux technologies bas carbone de la transition énergétique. L’urgence a réveillé le mythe de l’autarcie, hors d’atteinte dans des secteurs très capitalistiques, soumis à la volatilité des marchés et encadrés par des normes environnementales. Ce sont ces normes, toujours plus strictes, qui ont poussé les pays industrialisés à délocaliser les usines et les pollutions générées par l’extraction et la transformation du cobalt, du nickel, du lithium et des terres rares. A l’exception de la Chine, qui sait ce que « souveraineté » veut dire.
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