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A Bâle, la représentation des Noirs par les artistes africains ou de la diaspora

« When We See Us », exposition qui se tient au Gegenwart Museum – Musée d’art contemporain – de Bâle (Suisse), est exceptionnelle pour plusieurs raisons. Son sujet d’abord, indiqué par le sous-titre, moins énigmatique que le titre : « A Century of Black Figuration in Painting » (« un siècle de figuration noire en peinture »). Plus précisément : un siècle de peintures dont les artistes étaient ou sont noires ou noirs, et qui prennent leurs sujets dans les vies d’hommes et de femmes vivant en Afrique ou appartenant à la diaspora africaine. Sont réunies des œuvres exécutées aux XXe et XXIe siècles, soit en Afrique, soit en Amérique du Nord et en Europe. Rien de tel n’avait été tenté jusqu’ici de façon aussi globale, et bien des peintres ici présents sont encore peu connus en dehors de leur pays : première raison d’aller voir l’exposition.
Deuxième raison : les dimensions. La géographie étant donc très vaste, et la temporalité très longue, dans sa version initiale, qui s’est tenue durant près d’un an, en 2022-2023, au Zeitz, le Musée d’art contemporain du Cap, en Afrique du Sud, elle rassemblait 208 œuvres de 161 artistes. La version bâloise est plus modeste, mais elle occupe tous les espaces de l’institution, dans un accrochage qui se veut thématique, mais ne l’est qu’en partie parce que nombre de toiles échappent à toute classification de ce genre. Mais, même dans ce format plus modeste, « When We See Us » n’en reste pas moins une suite de découvertes.
Troisième, enfin : aucune étape française n’est annoncée. C’est donc Bâle ou rien. Si les musées français se distinguaient par leur curiosité à l’égard de la création artistique africaine, on n’en ferait pas la remarque. Mais le Centre Pompidou n’a rien fait en la matière depuis « Africa Remix », en 2005 – il y a donc presque vingt ans –, et la dernière manifestation de grande ampleur consacrée à la création sur le continent a eu lieu en 2017, à la Fondation Louis Vuitton, à Paris.
L’exposition répond donc à une question historique et anthropologique : la représentation de tout ce qui relève du black, de la notion de blackness. On reprend les mots anglais parce que ce sont ceux qui sont employés, plutôt que la notion de négritude, trop attachée sans doute à une période – les décennies 1950-1960 – et à des penseurs et écrivains francophones – Senghor, Césaire, Fanon –, ici peu présents.
Deux critères de choix sont employés ensemble : l’origine des artistes et celle de leurs modèles. A l’inverse, aucun critère artistique n’est en jeu. Les styles les plus éloignés se trouvent juxtaposés, prenant dans des références elles-mêmes très hétéroclites ou affirmant une manière singulière. Des scènes du quotidien réalistes et narratives côtoient des portraits, des nus et des compositions allégoriques. Aucune chronologie ni aucune géographie n’ont été suivies, et des œuvres séparées par des décennies et des milliers de kilomètres peuvent se trouver à proximité les unes des autres.
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